Le vaginisme : résumé d'une recherche universitaire

Durant mes études de psychologie clinique, j’ai réalisé une recherche universitaire au sujet du rapport au corps des femmes* présentant un vaginisme. Cet article vise à vous présenter, à partir de cette étude, ce qu’est le vaginisme, et vous proposer des pistes pour travailler la conscience corporelle. Même s’il s’agit d’un sujet parfois difficile à aborder, il est néanmoins important car toute femme ou personne identifiée comme telle peut être concernée par le vaginisme et que toute souffrance est légitime et nécessite l’aide des proches, d’un partenaire sexuel ou d’un professionnel de santé. Il est nécessaire que chaque vaginisme soit considéré et accompagné de manière ajustée.

Le vaginisme est un trouble mal connu des cliniciens et des femmes. C’est en 2013 que la définition du vaginisme évoluera à travers le Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders 5 ème édition qui le définit comme 

« un réflexe de contraction du vagin lors d’une tentative de pénétration vaginale (p. ex., l’introduction d’un pénis, d’un doigt, d’un vibromasseur ou d’un autre objet), malgré un désir de pénétration exprimé par la femme et en l’absence de troubles anatomiques ou d’autres anomalies physiques » (American Psychiatric Association, 2013). 

Melnik et collaborateurs (2012) ont regroupé différentes données internationales concernant la prévalence de ce trouble, mais étant donné sa classification difficile, la prévalence n’est pas claire et est estimée entre 5 % et 17 % aux Etats-Unis et en Angleterre. Il n’existe pas de chiffres récents concernant le vaginisme en France.

S’il existe plusieurs types de vaginisme, on en distingue communément deux types: le primaire et le secondaire. Les femmes vivant avec un vaginisme primaire n’ont jamais eu de rapport sexuel sans douleur, alors que celles vivant avec un vaginisme secondaire étaient à l’aise lors de rapports sexuels avec pénétration à un certain moment de leur vie, et ont ensuite évolué vers des rapports douloureux (Crowley et al., 2009).

Facteurs étiologiques

Les agressions physiques et sexuelles ainsi que le manque d’éducation sexuelle et un schéma sexuel de soi négatif sont des facteurs étiologiques du vaginisme (Reissing et al., 2003). Le schéma sexuel de soi se définit par « l’ensemble des sentiments et croyances que l’on a à propos de soi-même en tant qu’être  « sexuel », le terme « moi sexuel » est aussi utilisé (Pazmany et al., 2013). Les femmes souffrant de vaginisme peuvent être confrontées à un véritable cercle vicieux dans lequel la peur de la douleur ou de l’échec de la relation sexuelle entraîne une baisse du désir et du plaisir. Ainsi, l’échec peut mener à une phobie de l’acte sexuel ou de la pénétration (Reissing et al., 2004). 

Le contexte religieux ou l’éducation et les valeurs conservatrices relatives au sexe peuvent également être un facteur de risque dans le développement de la douleur sexuelle (Silverstein, 1989). Selon Pacik (2014), les femmes développant un vaginisme éprouvent de la honte et de l’embarras, se traduisant ainsi par un sentiment de culpabilité qui peut entraîner des symptômes d’anxiété et/ou de dépression. L’alexithymie, c’est-à-dire la restriction de l’expression des émotions, et la peur se sont révélées être des facteurs étiologiques importants dans le vaginisme, tout comme la dysrégulation émotionnelle (Ciocca et al., 2013 ; Simonelli et al., 2014). Toutefois, les études n’attribuent pas directement ces facteurs comme des conséquences car il reste difficile d’évaluer si ce sont les causes ou les conséquences du vaginisme. Les femmes souffrant de vaginisme présentent un haut niveau d’anxiété, de cognitions de catastrophe, de peur de la douleur et d’évitement (Reissing, 2009).

Les femmes vivant avec ce trouble signalent généralement une douleur au moment d’une tentative de pénétration vaginale (par exemple, la tension des muscles du vagin pendant un examen gynécologique s’accompagne souvent de douleur (Reissing et al., 2004). Reissing (2009) propose un modèle qui permet de comprendre comment interagissent les aspects cognitifs, comportementaux et les facteurs physiologiques dans le vaginisme lors de l’évaluation et du traitement. Selon ce modèle de peur-évitement, une expérience de la douleur ou des attentes négatives concernant la pénétration vaginale sont associées aux pensées de catastrophe. Ces pensées, à leur tour, entraînent des craintes spécifiques de la pénétration et de la douleur associées aux rapports sexuels. Pour y faire face, un évitement de la situation de pénétration vaginale ou une hypervigilance peuvent se mettre en place. L’hypervigilance est attribuée à une interprétation cognitive erronée et à l’amplification perceptive des sensations, des symptômes et des indices corporels (ici, la tension musculaire) (Barsky & Klerman, 1983).

Les personnes souffrant de douleurs sexuelles font preuve d’une vigilance accrue à l’égard de la douleur coïtale et d’une attention sélective envers les stimuli de la douleur (Payne et al., 2005). La catastrophisation, la peur de la douleur, le comportement d’évitement provoquent le spasme musculaire qui empêche la pénétration vaginale. Ces différents facteurs sont des facettes de l’anxiété.
Watts et Nettle (2010) ont étudié le rôle de l’anxiété chez les femmes atteintes de vaginisme. Les objectifs étaient d’étudier le niveau d’anxiété, puis d’essayer de comprendre si elle se présentait comme un facteur prédisposant au vaginisme ou comme une conséquence. Les résultats ont révélé que les scores d’anxiété étaient plus élevés chez les femmes du groupe vaginisme (en comparaison au groupe contrôle). La plupart des femmes du groupe vaginisme s’identifiaient comme généralement anxieuses.

Dans une étude menée en 2012 par le psychiatre et sexologue Philippe Brenot, interrogeant 3 404 femmes hétérosexuelles de 15 à 80 ans, une femme sur deux a vécu une émotion intense jugée négative lors d’un rapport sexuel, peur et honte principalement, dues notamment à la douleur et à la nature de l’acte (agression, rapport non consenti, etc.). Ceci expliquerait l’apparition d’une impossibilité de pénétration vaginale. Il nous apprend également que 1/3 des femmes disent avoir l’impression de ne pas être sexuellement normales et que 53 % des femmes ne trouvent pas leur sexe beau. Johnston (2013) nous apprend que la douleur sexuelle entraîne une auto-évaluation négative. Grâce à des analyses qualitatives, elle observe que de nombreuses femmes vaginiques se considèrent comme anormales en se qualifiant de femmes « inadaptées, inadéquates, incomplètes et anormales ». Le mot « défectueux » est parfois même utilisé pour décrire leur corps. Elle conclut que la douleur sexuelle ainsi que son impact sur l’identité sexuelle et les relations sexuelles entretiennent la perception négative qu’ont les femmes de leur identité.

Résultats de l'étude

Après avoir fait passer différents questionnaires à un échantillon de 808 participantes dont 258 participantes présentant un vaginisme, il s’avère que l’anxiété était plus élevée chez les femmes présentant un vaginisme tandis que l’image corporelle et la conscience corporelle étaient moindres par rapport aux femmes n’en présentant pas. Nous avons aussi montré qu’au sein du groupe des femmes vivant avec un vaginisme, des liens entre l’anxiété et la conscience corporelle ainsi qu’entre l’anxiété et l’image corporelle existent. De même, l’image du corps et la conscience corporelle sont liées

Des analyses complémentaires ont révélé que les femmes souffrant de vaginisme semblaient s’orienter vers un style attentionnel anxieuxLes difficultés psychologiques liées au développement et au maintien du trouble doivent également être abordées. Les femmes présentant un vaginisme peuvent en effet souffrir d’une anxiété plus générale qu’à l’égard de la pénétration (Watts & Nettle, 2010) et il semble important que les recherches en tiennent compte. Nos résultats soulignent donc la nécessité de saisir une vue d’ensemble du vaginisme et de le considérer selon une approche holistique.

L’étude de la conscience intéroceptive (la conscience des sensations corporelles) de ces femmes est utile pour les orienter vers des thérapies centrées sur les sensations corporelles. L’amélioration de la capacité à accueillir les changements corporels et travailler la confiance en ces différents signaux peuvent être une approche prometteuse pour traiter l’anxiété. Les chercheurs ont suggéré que l’amélioration de la conscience intéroceptive par le biais d’approches comme la pleine conscience, pourrait être utilisée pour gérer l’anxiété (Paulus & Stein, 2011). Aussi, l’attention basée sur la pleine conscience peut être prometteuse dans le développement d’une image corporelle positive (Todd et al., 2019). Une piste serait de proposer aux femmes présentant un vaginisme et un style attentionnel anxieux de s’orienter vers un style confiant et ouvert en proposant des interventions thérapeutiques se concentrant sur la régulation de la conscience corporelle via l’acceptation, la mindfulness et l’observation de soi. Cela permettrait de travailler les croyances et ainsi de favoriser la confiance et d’apprendre à gérer l’anxiété. Ces différents facteurs sont autant de leviers thérapeutiques intéressants à explorer lors d’une prise en charge psychothérapeutique de femmes présentant un vaginisme. 

Si vous en ressentez le besoin, n’hésitez pas à contacter des professionnels : médecin, sage-femme, psychologue, gynécologue, sexologue, ostéopathe, kinésithérapeute… ils peuvent vous aider et vous accompagner en vous proposant un travail individualisé. Pratiquer le yoga peut être un moyen de mieux comprendre votre corps et de prêter une attention particulière à vos sensations. À Bordeaux, je vous recommande les cours de Manon Paul, également ostéopathe (https://www.instagram.com/yogosteo/?hl=fr).

*Femmes et personnes s’identifiant comme telles. Le terme femme est régulièrement utilisé dans cette étude, effectivement, la littérature au sujet du vaginisme est binaire.

Des lectures et ressources qui peuvent aider :

« Une sexualité à soi – libérée des normes » de Laura Berlingo

« Au-delà de la pénétration » de Martin Page

« Le Slow-Sex » de Anne Descombes et Jean-François Descombes

Les clés de Vénus – Les Clés de Vénus (lesclesdevenus.org)

Un podcast à écouter :

Vaginisme & Co

Bibliographie

American Psychiatric Association. (2000). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed., text rev.). Washington, DC: Author.

American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5th
ed.). Arlington, VA: Author.

Ciocca, G., Limoncin, E., Di Tommaso, S., Gravina, G.-L., Di Sante, S., Carosa, E., Tullii, A.,

Marcozzi, A., Lenzi, A., & Jannini, E.-A. (2013). Alexithymia and vaginismus: A preliminary correlation perspective. International Journal of Impotence Research,25(3), 113-116. https://doi.org/10.1038/ijir.2013.5

Johnston, S.-L. (2013). Women’s experiences of vaginismus and its treatment: an interpretative phenomenological analysis. [Doctorate’s thesis, University of Leicester]

Melnik, T., Hawton, K., & McGuire, H. (2012). Interventions for vaginismus. Cochrane Database of Systematic Reviews. https://doi.org/10.1002/14651858.CD001760.pub2

Paulus, M.-P., & Stein, M.-B. (2010). Interoception in anxiety and depression. Brain Structure and Function, 214(5-6), 451-463.https://doi.org/10.1007/s00429-010-0258-9

Payne, K. A., Binik, Y. M., Amsel, R., & Khalifé, S. (2005). When sex hurts, anxiety and fear orient attention towards pain. European Journal of Pain, 9(4), 427‐427.

Pazmany, E., Bergeron, S., Van Oudenhove, L., Verhaeghe, J., & Enzlin, P. (2013). Body Image and Genital Self-image in Pre-menopausal Women with Dyspareunia. Archives of Sexual Behavior, 42(6), 999-1010. https://doi.org/10.1007/s10508-013-0102-4

Reissing, E.-D., Binik, Y.-M., Khalif, S., Cohen, D., & Amsel, R. (2003). Etiological Correlates of Vaginismus: Sexual and Physical Abuse, Sexual Knowledge, Sexual Self-Schema, and Relationship Adjustment. Journal of Sex & Marital Therapy, 29(1), 47-59. https://doi.org/10.1080/713847095

Reissing, E.-D. (2009). Vaginismus: Evaluation and Management. In A. T. Goldstein, C. F.Pukall, & I. Goldstein (Éds.), Female Sexual Pain Disorders (1re éd., p. 229-234).

Wiley. https://doi.org/10.1002/9781444308136.ch35

Todd, J., Aspell, J. E., Barron, D., and Swami, V. (2019). An exploration of the associations between facets of interoceptive awareness and body image in adolescents. Body Image 31, 171–180. https://doi.org10.1016/j.bodyim.2019.10.004

Watts, G., & Nettle, D. (2010). The Role of Anxiety in Vaginismus: A Case-Control Study. The Journal of Sexual Medicine, 7(1), 143-148. https://doi.org/10.1111/j.1743-6109.2009.01365.

 

Des pistes pour vous aider à écouter votre corps et calmer l’anxiété 

Pourquoi ne pas essayer de prendre le temps d’expérimenter la connexion corps-esprit pour augmenter votre conscience corporelle ?

Respiration en conscience : Respirez calmement, une main sur le ventre, l’autre sur le cœur, les yeux fermés. Goûtez à ce moment de sérénité et tentez de sentir les différentes parties de votre corps, et pourquoi pas repérer les points de tensions ou d’inconfort. Respirez profondément par le nez et expirez par la bouche. Faites-le autant que vous que vous en avez besoin. Puis, répétez ceci dans votre tête : « J’inspire en pleine conscience. J’expire en pleine conscience. J’ai conscience de mon corps, j’inspire. Je détends mon corps, j’expire. En apaisant mon corps, j’inspire. En prenant soin de mon corps, j’expire. J’aime mon corps, j’expire. »

Lorsque vous vous sentez prêt, vous pouvez passer à l’étape suivante : tout en continuant à respirer, allongez-vous confortablement et contractez votre périnée. Répétez cet exercice 10 fois. Vous pouvez le faire plus si vous vous sentez à l’aise, ou moins si ce n’est pas le cas : n’oubliez pas que vous faites de votre mieux. Il vous faudra peut-être du temps pour vous approprier cet exercice et votre corps, mais vous vous améliorerez avec la pratique.

Etirements doux : Dans un endroit calme et avec la musique de votre choix (pourquoi pas la playlist d’Agnès Obel ?), mettez-vous d’abord debout, fermez les yeux et basculez votre tête de droite à gauche, et inversement, puis faites des cercles en prenant le temps de ressentir ce qui se passe en vous. Vous pouvez faire de même avec vos épaules, vos bras, vos mains… puis votre bassin. Prenez le temps de vous ancrer dans le sol, jambes légèrement écartées et genoux un peu fléchis, faites tranquillement des cercles avec votre bassin. Puis, je vous propose de vous étirer à votre rythme. Laissez-vous guider par votre intuition, la cadence qui vous convient, l’idée est de se faire du bien et de relâcher les tensions corporelles.

Automassage intuitif : Pour renforcer vos capacités de connexion à votre corps, je vous invite à vous masser. Prenez votre huile préférée, installez-vous dans un endroit confortable et prenez ce temps pour vous. Vous pouvez commencer par vous masser les mains, en commençant par malaxer votre paume de main avec le pouce de la main opposée, en faisant des petits puis des grands cercles. Vous pouvez exercer différentes pressions sur vos doigts et tirer délicatement. Chaque partie du corps peut être massée, laissez- vous guider par vos envies, l’idée est d’être à l’aise avec cette expérience. L’automassage est tout particulièrement bénéfique pour votre corps, il le revitalise, le réchauffe et améliore la circulation sanguine.
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