Emotions estime de soi

Le bégaiement est un trouble moteur de l’écoulement de la parole qui est alors produite avec plus d’effort musculaire ; ce trouble retentit secondairement sur les comportements de communication du sujet qui en est atteint et provoque ainsi chez lui une souffrance psychologique ; il s’ensuit pour l’interlocuteur une désorganisation gênante de l’intelligibilité du discours. C’est un trouble de la globalité de la communication, qui ne se limite pas à son aspect le plus apparent de désordre de l’élocution. 

La fréquence du bégaiement est élevée chez l’enfant, affectant près de 5% des enfants à l’école primaire. 

Pour 75% des cas, le début a lieu avant l’âge de six ans, et, bien que des cas relativement tardifs aient été décrits, avec apparition des premiers signes jusqu’à treize ans, le risque de bégayer pour la première fois devient extrêmement faible après douze ans.


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L’estime de soi 

Définition

Selon le Petit Larousse de la Psychologie (2008), l’estime de soi est “l’attitude plus ou moins favorable envers soi-même, la manière dont on se considère, le respect que l’on se porte, l’appréciation de sa propre valeur dans tel ou tel domaine.”

Le concept d’estime de soi se réfère donc à une notion d’évaluation, processus qui est décrit, selon les auteurs, soit comme une évaluation vis-à-vis de soi, soit comme une évaluation vis-à-vis des autres.

  • “Le degré selon lequel un individu s’aime, se valorise et s’accepte lui-même.” (Rogers, 1951)
  • La nécessité de se sentir compétent et être reconnu par autrui (Maslow, 1970)
  • Plus récemment 3 piliers selon Christophe André et François Lelord (2008) : 
  • La vision de soi = le regard que l’on porte sur soi
  • La confiance en soi = s’applique sur nos actes, se dire que l’on est capable de réagir de manière adaptée à une situation
  • L’amour de soi = se dire que l’on est digne d’amour et de respect

Le développement de l’estime de soi :

Dès l’enfance, l’estime de soi commence à se construire, notamment sur les bases de l’attachement. En effet, les “care givers” joueront un rôle important puisqu’ils pourront apporter à l’enfant un cadre plus ou moins sécurisant, influençant directement la mise en place de l’exploration de son environnement. Ici, la sécurité apportée par l’adulte permettra à l’enfant d’appréhender les obstacles comme des défis et non comme des menaces. C’est sur ces bases que l’enfant va développer son sentiment d’efficacité personnelle face à certaines activités puis, sur un plus long terme, une estime de soi inscrite en mémoire procédurale dès la première année de vie. 

Comment la mesurer

  • Echelle de Rosenberg (1965), qui a fait l’objet d’un traduction et validation française en 1990
  • IMES (Instrument de Mesure de l’Estime de Soi) de Rambaud et Florin, plus récente puisqu’elle date de 2009, permettant d’évaluer la perception de soi des enfants

Le bégaiement provoque une souffrance psychique. On peut dire que la part visible du bégaiement est une toute petite partie des répercussions que masque en réalité ce trouble : comme dans tous les handicaps, se cachent derrière ce dysfonctionnement de la souffrance, des croyances associées au trouble, une perte d’estime de soi. Ces derniers participent à l’entretien du symptôme, et même parfois à son aggravation. Cette affirmation s’observe davantage chez les enfants en pleine construction identitaire. 

prise en charge accompagnement

 Le développement des habiletés sociales

 Le développement de la personnalité est influencé par les interactions sociales qu’on expérimente au cours de notre développement. Le bègue qui échoue dans les habiletés sociales ressent une frustration, une incompétence, qui en général génère une anxiété sociale. Or les habiletés sociales permettent à la personne de s’affirmer. 

« Le bégaiement apparaît et se développe de façon métachrone à la constitution de l’identité. » – Monfrais-Pfauwadel (2000)

Il a été montré que le bégaiement peut engendrer une baisse de l’estime de soi chez les enfants ou adolescents bègues. Chez ces jeunes bègues se mélangent bien souvent honte, culpabilité, frustration de ne pas réussir à parler comme ils le voudraient et sentiment d’infériorité

L’estime de soi du jeune bègue peut être davantage fragilisée si les jeunes autour de lui (collège) se moquent de son bégaiement. Cela risque de lui renvoyer une image négative de lui-même. 

  1. Sheehan (1998), psychologue et personne bègue, écrit en 1983 : « Définir le bégaiement comme un problème de fluence… C’est ignorer la personne, c’est oublier les sentiments qu’il éprouve à son propre égard, c’est ignorer la signification du bégaiement dans sa vie ; c’est ignorer ce « bain-marie » qui maintient le handicap dans de nombreux cas, c’est ignorer le principe qui énonce que lorsqu’un sujet bégaie, ce sont forcément de ses bégayages qu’un clinicien doit s’occuper ». (William H, 1990).

Les croyances associées

  1. sentiment d’incompétence et isolement

Les bègues peuvent avoir un ensemble de croyances négatives telles que le sentiment d’incompétence et d’isolement. Elles peuvent se sentir incompétente dans le domaine de la parole. Cela va poser un vrai problème puisque nous sommes continuellement amenés à parler. Les bègues peuvent également se sentir seuls face à ce qu’ils peuvent considérer comme un handicap. 

  1. les pensées irrationnelles

Il peut également dvper des fausses croyances négatives sur lui-même en se dévalorisant mais aussi sur ce que peut penser son interlocuteur quand il bégaie

Voici des exemples de pensées irrationnelles que peut avoir le bègue : 

  • « je suis nul », « je suis ridicule » , « ils vont penser que je suis idiot », « on ne peut pas aimer quelqu’un qui bégaie »,  « s’ils se moquent de moi c’est parce que je ne suis pas normal », « c’est de ma faute s’ils se moquent de moi, je n’ai qu’à pas parler comme ça »…

D’après Christophe André, ces pensées sont typiques d’une faible estime de soi. Ce qui va être problématique c’est quand ce jugement négatif est tellement ancré qu’il devient une pensée fondée. 

Ces croyances négatives vont fragiliser l’estime de soi du bègue.

Gestion des émotions

Les émotions désagréables

Les jeunes bègues peuvent également être envahis d’émotions désagréables et ce, notamment lorsqu’ils parlent à haute voix. 

  1. La peur 

Telle que la peur de bégayer en public évidemment mais surtout la peur du jugement d’autrui. En effet, ils pensent que s’ils bégaient leur interlocuteur émettra un jugement négatif à leur égard. Ils peuvent aussi avoir peur que l’interlocuteur ait pitié d’eux, se moque d’eux, ou encore les rejettent. Ces deux dernières craintes étant davantage accentuées chez les adolescents bègues vis-à-vis de leurs pairs. 

Cette place excessive accordée à l’image que les personnes bègues renvoient aux autres est significative d’une faible estime de soi selon Christophe André.

  1. La frustration

La frustration peut se traduire par le fait que le bègue n’arrive pas à montrer ce qu’il vaut vraiment quand il parle

Cette frustration peut également arriver lorsqu’il n’ose pas lever la main en classe et qu’un élève donne la même réponse que celle qu’il a et que cette réponse est correcte. 

Celui qui bégaie peut se sentir frustré « de ne pas parvenir à montrer par la parole ce qu’il est réellement ». Ainsi, cette « inhibition de personnalité » l’empêche de s’affirmer (Gayraud Andel & Poulat, 2011).

  1. La honte

La honte met en évidence que si le regard de l’autre est à ce point important chez la personne qui bégaie cela signifie qu’il a une basse estime de lui-même. La honte peut survenir notamment si le jeune bègue se fait moquer de lui au collège par exemple. 

  1. La culpabilité 

La culpabilité peut arriver lorsque le bègue perçoit le bégaiement comme quelque chose dont il est auteur et coupable. Cela peut même aller plus loin s’il pense qu’il est coupable de son bégaiement il peut aussi penser qu’il est également coupable des moqueries sur son bégaiement. “C’est de ma faute s’ils se moquent de moi…”. 

Toutes ces émotions négatives vont mettre à mal l’estime de soi du jeune bègue et peuvent déboucher également sur de l’anxiété sociale liée aux expériences antérieures (moqueries). 

De plus, l’anxiété renforce le bégaiement, ce qui entraîne un cercle vicieux pour l’enfant qui angoissera davantage face à la prise de parole et à l’interaction sociale. 

L’enfant est conscient de son bégaiement et va mettre en place des attitudes en réponse à celui-ci, comme le repli et l’évitement

“ Quand il ne parvient pas à mettre sa pensée en mots, l’enfant ressent diverses émotions : embarras, colère, frustration, tristesse, voire renfermement. Il appréhende, « le mot est vécu comme une blessure » (Marvaud, 2002).”

Conclusion

Les études ont donc montré qu’il y a bien un impact du bégaiement sur l’estime de soi chez les enfants et adolescents. Ce bégaiement fragiliserait l’estime de soi des enfants dû à des croyances et des émotions désagréables qu’il peut induire.

Différents professionnels de la santé peuvent aider vos enfants et adolescents sur le plan émotionnel et social.

 

Bibliographie :

André, C. & Lelord, F. (2008). L’estime de soi : s’aimer pour mieux vivre avec les autres. Odile Jacob.

Estienne, F. (2015). Chapitre 15—Au cœur du bégaiement ou quand les « bègues » s’adressent aux « bègues ». In Françoise Estienne, H.-A. Bijleveld, & A. Van Hout (Éds.), Les bégaiements (3ème édition) (p. 179‑183). Elsevier Masson.https://doi.org/10.1016/B978-2-294-74491-4.00015-1

Ferrand, P. (s. d.). Bégaiement et Estime de soi, élaboration d’un outil d’information. 110.

Guédeney, N. (2011). Les racines de l’estime de soi : apports de la théorie de l’attachement. Devenir, vol. 23(2), 129-144. https://doi.org/10.3917/dev.112.0129

Guerrin, B. (2012). Estime de soi. Dans : Monique Formarier éd., Les concepts en sciences infirmières: 2ème édition (pp. 185-186). Toulouse, 

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Guimard, P., Galharret, J.M., Florin, A., Bacro, F., Nocus, I., Le Cam, M., Rocher, T. (2021, à paraître). Relations entre perceptions de soi et 

performances scolaires à l’école élémentaire : analyse des données du Panel CP 2011. Education et Formations.

Noël, M.-P. (2018). Chapitre 11. La comorbidité du bégaiement – troubles déficitaires de l’attention avec/sans hyperactivité(TDA/H) : État de la question. In Neuropsychologie du bégaiement (p. 151‑167). Mardaga. 

Rassart, F. (2015). Chapitre 17 – Bégaiement et pleine conscience : La pleine conscience, un outil thérapeutique pour le bégaiement ? In F. Estienne, H.-A. Bijleveld, & A. Van Hout (Éds.), Les bégaiements (3ème édition) (p. 207‑223). Elsevier Masson. https://doi.org/10.1016/B978-2-294-74491-4.00017-5

Rosenberg, M. (1965). Society and the adolescent self-image. Princeton University Press.

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Van Hout, A., & Bijleveld, H. (2015). Chapitre 4—Bégaiements et pathologies associées chez l’enfant. In F. Estienne, H.-A. Bijleveld, & A. Van Hout (Éds.), Les bégaiements (3ème édition) (p. 43‑51). Elsevier Masson. https://doi.org/10.1016/B978-2-294-74491-4.00004-7